06/12/2023
4% : telle est la part du numérique dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Parmi celles-ci, les équipements informatiques sont ceux qui produisent le plus d’effets néfastes. Un message qui passe de plus en plus auprès des organismes de formation normands.
La notion de responsabilité numérique s’impose de plus en plus comme une composante majeure des métiers de la formation et de l’éducation. Défini par la Mission interministérielle Numérique responsable comme une « démarche d’amélioration continue qui vise à améliorer l’empreinte écologique et sociale », le numérique responsable se trouve actuellement pris dans une double injonction. D’une part,
Les trois piliers du développement durable
Comment accompagner les acteurs de la formation professionnelle sur ce chemin a priori étroit ? Afin de répondre à cette question, il convient tout d’abord de prendre la pleine mesure des contours que revêt la notion de numérique responsable. Celle-ci repose en premier lieu sur les trois piliers du développement durable : respect de l’environnement, respect de l’humain et respect de l’efficacité économique. S’inscrire dans une démarche de responsabilité numérique pour un organisme de formation (OF), cela implique donc de limiter les émissions de gaz à effet de serre, étant entendu que la
Se prémunir de l’ « effet rebond »
Ce périmètre étant défini, il s’agit également d’éviter certains écueils. L’
Des OF normands qui s’engagent
Dans un tel contexte, de plus en plus d’acteurs normands s’engagent en faveur de démarches éco-responsables. C’est le cas notamment de l’association d’insertion Clips Formation et d’Acséa Formation (voir interviews par ailleurs). Dans un cas comme dans l’autre, ces structures travaillent avec du matériel informatique reconditionné. L’une et l’autre agissent également avec une personne référente sur la question du numérique responsable : une éco-déléguée au sein de Clips Formation, une référente numérique chez Acséa. Chez Clips comme chez Acséa, c’est du terrain que l’impulsion est venue, avec toutefois quelques variantes. « Il y a une sensibilité (au développement durable) propre à chacun d’entre nous », explique ainsi Hugo Joret, le coordinateur numérique de Clips Formation. « C’est venu de manière progressive », indique pour sa part Martine Thomasset-Mullier, cheffe de service chez Acséa. Au sein de cet organisme de formation dédié au développement des compétences au service d’une insertion professionnelle durable, il a fallu convaincre certains membres de l’équipe de direction. C’est sans doute à ce niveau que l’acculturation demeure perfectible : si une part de plus en plus grande d’acteurs de terrain semble prête à développer une approche responsable du numérique, les dirigeants des OF doivent encore être convaincus.
Une acculturation en cours
« Actuellement, des efforts sont indéniablement effectués mais je n’ai pas le sentiment que le thème du numérique responsable soit au coeur de la stratégie d’une majorité d’organismes de formation », analyse de son côté Samuëlle Dilé, experte en pédagogie multimodale. « Certes, des
Néanmoins, les initiatives que nous pouvons voir en Normandie témoignent d’une prise de conscience. «
Soutenu par les politiques publiques régionale et étatique, un changement est bel et bien en train de s’amorcer. Il devrait, dans les mois et les années à venir, gagner progressivement du terrain dans le secteur de la formation.
Pour en savoir plus :
- Dossier « Numérique responsable » (ministère de la Transition écologique)
(Image by katemangostar on Freepik)
« Une sensibilité pour le numérique responsable, mais aussi une logique économique »
Vous êtes coordinateur numérique chez CLIPS Formation, une association engagée sur le numérique responsable. Quelles sont vos missions ?
Hugo Joret : CLIPS Formation est une association loi 1901 créée en 1985 dont le siège est situé à Lillebonne et qui est présente sur deux autres sites de la région. L’anagramme CLIPS signifie Comité Local pour l’Insertion Professionnelle et Sociale. Nous sommes labellisés Atelier de Pédagogie Personnalisée (APP) depuis 1986 et regroupons une trentaine de personnes en Équivalent Temps Plein (ETP). Nos missions consistent à favoriser l’insertion sociale et professionnelle des personnes privées d’emploi ou salariées, à développer les compétences de ces personnes en vue de l’accès à l’autonomie dans la vie quotidienne, et à les accompagner dans leurs projets de reconversion ou d’orientation. Nous prenons ainsi en charge 1500 personnes chaque année. Pour ma part, je suis coordinateur numérique, ce qui m’amène notamment à administrer les plateformes pédagogiques et à gérer le parc de matériel numérique.
Dans quelle mesure Clips Formation déploie-t-
H. J. : Nous sommes particulièrement attentifs sur plusieurs aspects. D’abord, 90% du matériel informatique que nous achetons est reconditionné. Ensuite, lorsque le matériel est obsolète nous
Quelles sont vos motivations à travers ces démarches ?
H. J. : Les raisons sont diverses. Il y a d’abord une sensibilité propre à certains d’entre nous, en lien avec la transition et le développement durable. Nous poursuivons également une logique économique. L’achat de matériel reconditionné nous fait réaliser des économies importantes, en plus d’être un joli geste ! Quant au chantier d’insertion qui recycle notre matériel, il s’agit de
Pour en savoir plus :
. Le label NR
« Du matériel informatique reconditionné pour nos deux salles de formation »
Marie-Laure Pouard et Martine Thomasset-Mullier, vous êtes toutes deux cheffes de service chez Acséa formation : pouvez-vous nous présenter votre structure ?
Marie-Laure Pouard : Acséa Formation est installé dans le Calvados sur sept sites qui emploient une soixantaine de salariés. Depuis 1982, nous développons des formations centrées sur le développement des compétences au service d’une insertion professionnelle durable. Nous nous inscrivons dans le champ de l’économie sociale et solidaire et nous nous adressons à toutes les personnes qui sont en recherche d’emploi : des personnes en situation de reconversion professionnelle, des salariés, parmi lesquels se trouvent des apprentis…
Dans quelle mesure la question du développement durable s’inscrit-elle dans votre approche numérique ?
Martine Thomasset-Mullier : Au sein des sites du Calvados nous bénéficions des compétences d’une référente numérique. Nous nous sommes d’ailleurs appuyés sur le travail de réflexion réalisé par Communotic pour définir son périmètre d’action… Cette collègue joue donc un rôle d’intermédiaire entre l’équipe pédagogique et celle des SI, met en œuvre des actions d’amélioration continue, communique en interne auprès des formateurs… C’est dans le cadre de cette mission que l’on a proposé à notre conseil de direction de travailler avec l’entreprise de recyclage AFB, principalement en lien avec le matériel informatique qui se trouve dans nos deux salles de formation.
Pouvez-vous nous expliquer dans quel contexte est né le projet ?
Martine Thomasset-Mullier : Il est né de manière progressive. J’ai eu à organiser l’an dernier une opération de formation développée pour le Pays d’Auge : je n’avais pas d’ordinateurs et nous avons pu en obtenir grâce à l’entreprise AFB. Cette structure est présente au niveau national et a un magasin situé dans la galerie marchande de Mondeville. La convention de prêts de PC portables que nous avons signée m’a permis de faire la connaissance de sa directrice, Amélie Barbier. Nous nous sommes rencontrées après avoir conclu notre partenariat sur le Pays d’Auge. C’est alors que j’ai pris connaissance du processus de collecte et de reconditionnement, et saisi l’intérêt que nous avions à travailler avec AFB. Celle-ci récupère du matériel informatique avant de travailler à sa remise en activité après avoir effectué toutes les opérations de nettoyage et de sécurisation des données qui s’imposent. Je dois aussi dire que j’ai particulièrement apprécié l’intelligence de cette entreprise, qui n’a pas engagé avec nous un démarchage financier mais respecté notre démarche d’ensemble.
Vous avez dès lors décidé d’aller plus loin en achetant du matériel reconditionné : c’est bien cela ?
Martine Thomasset-Mullier : Tout à fait. Nous venons de recevoir, mi-octobre, 24 ordinateurs reconditionnés pour nos salles de formation. Auparavant, il a tout de même fallu que l’on défende ce projet auprès de l’équipe de direction. Tout le monde n’était pas convaincu par cette option de matériel reconditionné : certains craignaient pour la sécurité, d’autres avaient un peu peur que le matériel n’ait pas un design très moderne…
Comment avez-vous fait pour les convaincre ?
Martine Thomasset-Mullier : Par l’explication, par la pédagogie et aussi par une visite sur site. Nous sommes allés chez AFB en équipe, et chacun a pu se rendre compte que nous étions finalement dans un magasin informatique classique. Certes, il peut y avoir ici ou là une petite griffure sur une tour d’ordinateur, mais ce qui est certain c’est que nous avons affaire à du matériel performant et sécurisé à 100%. Les ordinateurs que nous avons acquis sont surtout utilisés pour effectuer des travaux habituels de traitement de texte ou d’écriture, c’est-à-dire globalement pour des logiciels bureautiques. C’est du matériel classique.
Dans quelle mesure cette démarche fait-elle évoluer votre approche en termes de responsabilité numérique ?
Marie-Laure Pouard : L’approche que nous avons permet vraiment de nous ancrer dans la dimension durable du numérique. C’est donc un point positif pour nous, en interne. Mais j’y vois aussi autre chose. Le fait de faire travailler nos stagiaires sur du matériel reconditionné a des vertus éminemment pédagogiques : cela montre à ce public que le reconditionné fonctionne très bien et peut être tout à fait fiable. C’est d’autant plus important que certains de nos stagiaires ont des difficultés financières pour s’équiper… Avec nous, ils peuvent constater que le matériel reconditionné est tout à fait performant.
Martine Thomasset-Mullier : Et puis nous bouclons aussi une boucle ! Nous avons certes acquis du matériel numérique reconditionné, mais nous avons aussi transmis nos anciens ordinateurs à une entreprise de recyclage. Nous avons en quelque sorte enclenché une dynamique. Celle-ci nous mènera peut-être à aller progressivement vers d’autres démarches, notamment vers celles qui consistent à alléger les boites mails de ces centaines de messages qui se révèlent très consommateurs en énergie. Nous pouvons tout à fait engager ce type de projet à l’avenir…
Pour en savoir plus sur le groupe AFB.