Réseau Canopé Normandie : vers une révolution culturelle des pratiques

Chapô

Delphine Gruchy, animatrice du learning lab de Caen et directrice d'ateliers, nous fait part des changements de posture et de service du Réseau Canopé vis a vis de ses usagers.

Samuelle Dilé : À l’origine, on connaissait Réseau Canopé en tant que CRDP, centre régional de documentation pédagogique. Depuis 2014, il semble que sa mission a évolué vers l’interaction, via les « ateliers Canopé ». De quoi s’agit il ?

Canopé
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Delphine Gruchy : Au-delà de l’accès aux ressources numériques, les enseignants avaient besoin d’un lieu physique pour apprendre, échanger, penser de nouvelles modalités pédagogiques, loin de leurs établissements. Réseau Canopé a donc créé un lieu par département, afin de favoriser ces interactions.
En Normandie, nous avons développé les « ateliers Canopé » grâce auxquels les enseignants peuvent s’appuyer sur des « Designers pédagogiques », des « animateurs/conseillers ». Nous avons créé des offres « hors les murs » pour intégrer la multimodalité pédagogique. Pour cela, nous nous appuyons sur la plateforme nationale Magistère qui propose des ressources formatives aux enseignants, nous avons mis en place 2 MOOCs, organisons et animons localement des temps de rencontres à thèmes (par exemple sur l’accueil des parents) et avons une approche de « learning lab », ouverte aux enseignants, aux parents, aux partenaires extérieurs. Ce « learning lab » est flexible, multimodal, digital, physique et « hors les murs » …
Pour résumer je dirais que notre mission consiste à être des facilitateurs.

S. D. : Opérer cette évolution de Canopé a dû nécessiter un vrai changement interne…

D. G. : Ah oui ! Le réseau a mis en place un Plan National de formation pour faciliter et accompagner le personnel interne notamment au niveau du changement de posture. L’enjeu était de développer une polyvalence autour des thèmes, des savoirs faire, des compétences métiers. Les personnels Canopé sont issus de l'éducation nationale, de l'enseignement agricole, des GRETA et sont formés à être des médiateurs, ce qui en soi est un changement de posture radical.

S. D. : Combien de temps vous a-t-il fallu, et comment la transition a-t-elle été ressentie ?

D. G. : Ce changement de posture en interne a été rapide, grâce au Plan National de formation qui nous a permis d’acquérir les techniques de créativité, de co-design. Certains ont développé des compétences en sketchnoting...toutes compétences visées par le référentiel des compétences du XXIème siècle.
Comme tout changement majeur de posture, certains ont pris le virage et d’autres ne s’y sont pas retrouvés. Le changement a aussi fait venir d’autres personnes séduites par le changement que nous proposions. Il a été entièrement porté par nos équipes, en interne.

S. D. : Justement, comment vos équipes internes ont-elle acquis ces nouveaux réflexes, et plus largement cette nouvelle posture ?

D. G. : En plusieurs temps. Il a d’abord fallu acquérir des compétences informelles et transversales – collaboration/coopération, créativité… – qui sont parmi les plus importantes. Ensuite, nous avons poursuivi avec les compétences interrelationnelles (bienveillance, assertivité, entraide…), que l’on appelle les « soft skills ».

S. D. : Quels ont été les freins, les sujets les plus difficiles à mettre en œuvre dans le cadre de vos « learning labs » ?

D. G. : Je dirais qu’il y a trois enjeux. Le processus d’évaluation, tout d’abord, doit être plus collaboratif : il faut aller vers l’évaluation par ses pairs, développer une pédagogie de l’entraide. Le second enjeu est lié au processus de suivi : il faut développer la culture du partage dans notre milieu. Le troisième enjeu est celui de la mutualisation : nous avons trop tardivement mis en place une communauté professionnelle de pratiques pour les enseignants, lesquels s’étaient déjà approprié des outils au sein de leurs propres établissements…
Nous avons sur dépasser le CRDP, orienté documentation : aujourd’hui nos services sont ouverts. Il faut continuellement nous ouvrir à différents publics, et si possible à Caen travailler avec d’autres acteurs qui proposent des prestations similaires. Se démarquer en tant que « learning lab » est un enjeu, notamment pour écouter les signaux faibles de l'évolution de la formation pour les structures éducatives. Nous sommes en créativité permanente !

Propos recueillis en juin 2019 par Samuelle Dilé, pour Communotic.

Delphine Gruchy : delphine.gruchy@reseau-canope.fr