« Maintenir une capacité d’innovation permanente »


24/07/2023
Chapô

Fondatrice et dirigeante du CRAF2S, Caroline Burnel est engagée depuis treize années dans le déploiement d’une offre de formation digitale. Un engagement qui nécessite une forte acculturation et une créativité de tous les instants, dans un contexte de forte accélération technologique.

Portrait de Caroline Burnel
Paragraphes

Pouvez-vous nous présenter le CRAF2S ?

Caroline Burnel : Le CRAF2S a été créé il y a treize ans. C’est à la fois un centre de formation et un CFA, historiquement spécialisé dans les filières des métiers du sport. Au départ, il s’agissait de former des coachs sportifs ainsi que des éducateurs. Aujourd’hui nous sommes également présents sur les filières de l’animation culturelle et artistique, le tourisme, le journalisme et l’enseignement supérieur. Nous délivrons une offre de formation complète, qui va jusqu’aux fonctions support des organisations et entreprises notamment sportives. Nous permettons à des jeunes ayant une qualification infra bac d’arriver jusqu’au niveau bac + 5. Le cœur du projet du CRAF2S consiste à les accompagner sur une évolution de carrière... Pour cela, nous disposons de dix-huit collaborateurs, et avons formés près de mille personnes.

Dans quelle mesure le numérique fait-il partie de votre enseignement ?

C. B. : Le numérique et le digital font pleinement partie de notre ADN, ils sont présents depuis l’origine dans la pédagogie que nous déployons. Nous avons d’ailleurs obtenu deux labels délivrés par la Région Normandie : le label Or CFA Numérique en 2018 et le label CFA Innovant normand en 2022. Nous avons souhaité développer la multimodalité dans les parcours de formation dès notre création en 2010. Nous étions alors en phase avec les orientations de la Région, et avons bénéficié à cette époque d’une subvention FSE qui nous a permis de financer notre première plateforme de formation. C’est ainsi que nous avons opté pour le LMS Moodle, avant d’affiner progressivement notre approche.

De quelle manière ?

C. B. : En 2015, nous avons ressenti le besoin d’effectuer un premier bilan de notre plateforme. Nous souhaitions « upgrader » à la fois l’outil et l’expérience utilisateur, et avons opté pour une plateforme sur mesure. Nous nous sommes alors rendu compte que la solution qui était la nôtre n’était pas aussi souple que nous le souhaitions. Il fallait également consentir des investissements financiers dès que nous voulions la faire évoluer… Il n’y avait pas assez d’agilité et les délais étaient trop longs, alors que la technologie et nos besoins évoluaient sans cesse. Nous sommes alors repassés sur un LMS géré par notre référent numérique dédié. Il nous semblait logique d’avoir une plateforme en capacité de faire évoluer de manière souple l’expérience utilisateur, d’optimiser des ressources plus interactives et plus ludiques. Nous nous sommes d’ailleurs attachés les services d’un concepteur de ressources pédagogiques, pour notamment déployer des ressources collaboratives, gamifiées, avec une scénarisation et un système d’actions-réactions…

Que de changements !

C. B. : En effet. Dans l’ingénierie pédagogique, la dimension numérique nécessite beaucoup d’acculturation, mais également une forte créativité et un suivi des parcours. Avec les années nous avons été amenés à penser notre modèle de manière un peu plus « macro ». Pour autant, le budget est nécessairement limité : nous développons des contenus en interne, mais à un moment on n’a plus suffisamment de capacité financière afin de monter en gamme nos ressources. En parallèle, nous travaillons avec des prestataires à qui nous commandons des capsules de formation. Mais là encore, cela a un coût !

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

C. B. : Nous sommes de nouveau dans une réflexion de fond. Comment devons-nous faire évoluer la multimodalité dans nos parcours de formation ? C’est toute la question ! Le e-learning est un outil, il existe de plus en plus des pédagogies distancielles synchrones, dans un contexte de très forte accélération digitale. Il devient de plus en plus ardu de s’adapter, car il faut avoir une capacité d’innovation permanente. C’est pour cette raison que nous allons réfléchir à une nouvelle version de notre plateforme. En parallèle, nous sommes en train de développer une application de relation tripartite qui relie le jeune, l’entreprise et le CFA. Baptisée Link Up, cette application a été testée cette année. Elle s’intègre dans notre nouvelle stratégie de gestion de la multimodalité et sera déployée dès ce mois de septembre. Enfin, nous sommes en train d’investir dans le métavers, en y déployant une partie de notre module de formation bachelor marketing et événementiel. L’idée est, à travers ces trois outils – plateforme, application et métavers –, de repenser la multimodalité de la formation en distantiel. Nous sommes en train de capitaliser sur treize années d’expériences !

Pour quelle raison investissez-vous dans le métavers ?

C. B. : Le métavers est plus que jamais une nouvelle technologie qui vient questionner le marché de la formation. Il est à relier à la gestion de l’intelligence artificielle, qui permet d’accompagner les apprenants. L’IA génère des contenus et peut dans certains cas très précis se substituer au rôle du formateur. Le metavers offre un terrain de jeu et d’apprentissage qui démultiplie les capacités d’interactions dans un environnement virtuel, persistant et en temps réel. À ce stade, nous sommes encore dans une phase expérimentale, et nous avançons de manière empirique. L’idée est de se positionner sur cette dynamique d’innovation.

Finalement, le numérique n’a eu de cesse de faire évoluer vos pratiques…

C. B. : Nous avons évolué par la force des choses, parce que la multimodalité impose de se requestionner en permanence. C’est une technologie qui avance sans cesse et qui ne permet pas l’immobilisme. Nous devons chaque jour repenser l’expérience utilisateur et les besoins des apprenants, en prenant notamment en compte leurs retours. Il s’agit de renforcer une dynamique tout en intégrant les contraintes techniques d’administration, de maintenance, de construction, d’adaptation, de régulation… La technologie un moyen pédagogique et ne doit surtout pas être prise pour un gadget. 

Avec quels impacts, à la fois en interne et auprès des apprenants ?

C. B. : Au niveau de nos équipes, nous déployons un plan de formation annuel afin de tenir les collaborateurs informés des évolutions en cours. L’idée est de conserver une forte dynamique de groupe et d’embarquer les nouveaux entrants. Mais cela va au-delà : les tuteurs, les partenaires que nous avons, les maîtres d’apprentissage sont de plus en plus confrontés à la digitalisation. L’usage du digital s’est normalisé, il ne crée plus la surprise comme avant. Pour tous, il convient de se maintenir à flot sur l’évolution des usages et des technologies. Quant aux jeunes, c’est-à-dire à nos apprenants, tout semble plutôt naturel pour eux. La pédagogie en distantiel est devenue une évidence, y-compris dans sa dimension synchrone. Ils attendent une plateforme intuitive et sont assez naturellement enclins à travailler sur leur smartphone par exemple… Pour eux comme pour nous, les maîtres mots restent la dimension expériencielle, la gamification, l’ergonomie, la simplification, mais également le besoin d’instantanéité et de visuel. C’est autour de ces éléments que nous avançons.

 

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