Projet Ide@ : « lutter contre les facteurs d’empêchement en formation à distance »


27/10/2023
Chapô

Initié par le Rectorat de l’Académie de Créteil et à vocation internationale, le projet Ide@ vise à faciliter le passage à un e-learning plus inclusif via le réseau des Greta. Entretien avec Isabelle Hondermarck et Florian Roumier, conseillers en Formation continue au Rectorat de l’Académie de Créteil.

Portrait des 2 personnes interviewées
Paragraphes

Dans quelles circonstances est né le projet Ide@ ?

Isabelle Hondermarck : C’est ce que j’appellerai un « bébé du Covid » car il est né en 2020, au moment même où la communauté des enseignants et des formateurs était touchée de plein fouet par la question de la continuité pédagogique. Subitement il a fallu faire basculer des publics en distanciel alors que cela n’avait pas été anticipé et encore moins prévu, ni pour les apprenants, ni pour les formateurs… Pendant le premier confinement, le CAFOC (Centre académique de formation de formateur) a animé des ateliers « pédagogie numérique » sous la forme de webinaires afin d’apporter des réponses. Nous avons alors identifié deux types de difficultés chez les formateurs du réseau des Greta : certaines étaient liées aux outils (où cliquer ? comment les faire fonctionner ?), d’autres à l’ingénierie pédagogique elle-même (comment structurer un cours en ligne ?).

Florian Roumier : J’ajoute que cette évolution vers des enseignements et des formations numériques s’inscrit également dans un contexte règlementaire plus large, lié au respect de la loi de 2018 sur la formation professionnelle et à celui du RGPD, le Règlement Général de Protection des Données. Globalement, le passage au e-learning sur lequel nous nous sommes focalisés a mis en évidence le problème majeur de la formation au numérique et de l’intégration de tous les publics. 

Comment a été structuré Ide@ ?

Isabelle Hondermarck : Ce projet s’inscrit dans le cadre d’un programme Erasmus et également de ses « Key Actions 2 », c’est-à-dire des actions clés liées à la coopération entre organisations et institutions. Pour le construire, nous nous sommes rapprochés de partenaires nationaux et internationaux : Koena, un partenaire français dédié à l’accessibilité numérique et à l’inclusion de personnes en situation de handicap ; L’Université Autonome de Barcelone ; l’Association européenne de Certification et de Qualification, installée en Autriche ; et l’Université Téluq, basée à Québec et spécialisée dans l’enseignement à distance. Les échanges avec cette dernière ont d’ailleurs été très enrichissants dans la mesure où nous avons été confrontés à une culture extra-européenne, très proche finalement des anglo-saxons. Cela a parfois été bousculant, mais aussi très stimulant. Grâce à ces échanges, trois clés d’entrée ont plus particulièrement été identifiées : l’accessibilité et la règlementation générale ; la conception universelle de l’apprentissage ; l’analyse du public et les « facteurs d’empêchement ».

Quels sont les objectifs que vous poursuivez à travers ces clés d’entrée ?

Florian Roumier : Avec l’accessibilité, il s’agit de développer des outils compatibles avec les règlementations nationales et européennes, qui sont transposées dans le droit français. Comment rendre une LMS compatible avec la navigation clavier ? Comment développer le sous-titrage vidéo ? Il faut aussi s’inscrire dans l’article 47 de la loi de 2005 sur l’égalité des chances. Nous englobons ici des situations qui vont au-delà du handicap. En France, le réseau des Greta s’adresse à des publics touchés par l’illectronisme ou à des problématiques linguistiques. Comment mettre en place des process de parcours de formation qui incluent tous les types de publics ? C’est la grande question.

Isabelle Hondermarck : Cette question nous renvoie d’ailleurs directement à la seconde clé d’entrée qui a été la nôtre avec le projet Ide@ : la conception universelle de l’apprentissage. Nous nous sommes focalisés ici sur les contenus, la mise en situation et la motivation à apprendre adaptée à différents publics. Enfin, il y a ce que nous appelons les « facteurs d’empêchement ». Ces derniers sont nombreux : fatigue précoce, difficulté à lire, problèmes d’audition… Ces facteurs peuvent d’ailleurs être permanents ou temporaires. Le but ultime que nous poursuivons, c’est d’éviter le décrochage des apprenants. C’est dans cet esprit que nous avons produit un référentiel de compétences à destination des formateurs. Celui-ci doit permettre de définir quelles sont les compétences spécifiques attendues pour mettre en œuvre une formation à distance inclusive, l’idée du référentiel étant qu’il soit une base pour une formation de formateur.  

Le projet est aujourd’hui terminé et entre en phase de déploiement : de quelle manière les formateurs et enseignants l’accueillent-ils ?

Isabelle Hondermarck : Au moment du confinement et du post-confinement, les formateurs des Greta ont été assez réceptifs aux changements qui leur étaient proposés. Aujourd’hui c’est différent, le présentiel fait son grand retour et il faut mettre les formateurs en situation d’apprentissage à distance afin qu’ils prennent conscience de la nécessité d’adapter leurs pratiques. 

Florian Roumier : La démarche est globale mais de notre côté nous insistons sur des choses très concrètes. Une démarche de type FALC par exemple (« Facile à lire et à comprendre ») est intéressante à déployer. Nous attirons également l’attention sur le choix d’une police de caractères, sa taille, le choix d’un format de fichier de type PDF ou autre… Nous pouvons bien sûr aller plus loin et accompagner les formateurs à produire des vidéos avec du sous-titrage, mais c’est déjà un premier pas que nous proposons. Les formateurs Greta sont confrontés à des publics hétérogènes, et ils agissent dans des contextes et des organisations très divers. Nous tentons de répondre, avec notre référentiel, à cette pluralité de situations. Nous sommes bien conscients que l’on ne devient pas inclusif et accessible à 100% en une seule fois… Le fait de repenser un parcours pédagogique se fait progressivement. 

Isabelle Hondermarck : J’ajoute que l’inclusion et la formation sont l’affaire de tous. Au-delà des formateurs, ce sont aussi les métiers des organismes de formation qui sont concernés : ingénieurs pédagogiques, créateurs de contenus, administrateurs d’outils et directions des structures. Réfléchir aux facteurs d’empêchement est l’affaire de tous. Et pour les OF, c’est aussi une question économique : pour eux, il s’agit d’aller vers des publics plus larges, de répondre aux besoins qui s’expriment dans la société mais aussi d’être en conformité avec la loi.


 

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