Et si on parlait numérique durable ?


03/11/2020
Chapô

Avec le second confinement engendré par la crise de la Covid 19, le numérique conforte la place qu'il a pris dans notre vie et l'importance tout à fait inattendue de ses usages avec l'obligation d'enseigner et d'apprendre à distance. Alors que le 1er confinement a mis en exergue sur tout le territoire des déficits d'équipements et de faiblesse du réseau internet pour certaines franges de la population, il nous semble nécessaire de faire un pas de côté et de ne pas tomber dans une fuite en avant vers toujours plus de numérique...

Communotic
Paragraphes

Les outils numériques nous séduisent

C’est un fait, les outils numériques nous séduisent - amélioration des échanges, partage de l’information, communication instantanée - et laissent entrevoir la perspective de moins de déplacements, de moins de gaspillage de papier et de temps, et de plus de collaboration. Mais leur développement a aussi des impacts sur notre vie et notre environnement : multiplication des équipements, consommation d’énergie et de matières premières, pollution.
Les gains supposés apportés par le numérique ne sont pas toujours au RDV. Il est nécessaire de regarder dans la globalité, d’en voir les effets directs et indirects. Nous vous proposons dans cet article d'explorer le numérique en prenant un autre prisme, celui de la sobriété. 

Prendre conscience des impacts du numérique

 

 

Si internet était un pays il serait le 6ème consommateur d’énergie et le 7ème émetteur de CO2 de la planète !


Il y a actuellement près de 9 milliards d’appareils (ordinateurs, smartphones, objets connectés, etc) en circulation dans le monde selon l’Ademe (Agence de la transition écologique). Les chiffres présentés ci-dessous montrent que leur usage n’est pas anodin. 

 

Impact

 

 

Avant de les utiliser, leur fabricationnécessite également d’importantes ressources -22 kg de produits chimiques, 240 kg de combustibles et 1,5 T d’eau pour un ordinateur- alors que leur durée d’utilisation a été divisée par 3 en trente ans, passant de 11 ans pour les premiers PC à 4 ans aujourd’hui.
Si les filières de revalorisation existent, le taux effectif de recyclage de ces équipements ne dépasse pas les 30 % actuellement.
Si l’on considère les prévisions de croissance, en 2035 près de 90 % de la population mondiale aura accès à internet alors qu’elle n’est que
de 40 % actuellement. 

Cycle de vie

 

 

3 piliers du développement durable Ces éléments devraient nous pousser à prendre en compte différents critères lors de l’acquisition d’un équipement numérique afin de viser sobriété et longévité : sa fabrication (neuf ou occasion), sa consommation, sa réparabilité et sa recyclabilité. Il serait ainsi possible de penser la transition numérique en l’inscrivant dans la Transition Economique et Sociale (TES) et dans l'envionnement.

 

 

 

 

 

Des impacts liés à notre utilisation d'internet

En 2018, chaque minute, l’activité sur internet des 4 milliards d’utilisateurs dans le monde, c’était :

Impact internet minute

 

L’évolution des usages et des applications en ligne nécessite de plus en plus d’espace de stockage et de trafic sur les réseaux. C’est également à l’utilisateur que l’on doit l’impact le plus important en termes de GES (gaz à effet de serre), contrairement à une idée reçue qui met en cause les datacenters.

Répartition impacts GES

 

Bulles - ordres de grandeur Le développement de la vidéo en ligne en est le principal auteur comme l’illustrent les schémas ci-dessous.  

 

Pour avoir une vision globale, il faut également mentionner quelques effets rebond (ou paradoxaux), aux usages du numérique, usages perçus à juste titre comme des avancées, des progrès pour notre quotidien ou notre vie professionnelle : 

  • Le développement du télétravail engendre des achats d’équipements et une consommation énergétique supplémentaire, les locaux et les matériels étant le plus souvent doublés, donc équipés, chauffés et éclairés.
  • Le covoiturage, facilité par les applications mobiles, peut accroitre le nombre déplacements en voiture au détriment du train.
  • Les plateformes collaboratives d’échanges de biens procurent certes des gains financiers mais peuvent générer d’autres achats, d’où une surconsommation.

Quelques pistes pour améliorer nos usages liés au numérique

Limiter la consommation d’énergie

Le quart des consommations d’électricité des équipements informatiques pourrait être évité. Comment ?

•    Ne pas multiplier les matériels ;

•    Opter pour du matériel sobre - un PC portable consomme de 2 à 4 fois moins qu’un PC fixe ;

•    Ne pas laisser les appareils allumés ou en veille ;

•    Limiter le nombre de programmes ou d’onglets ouverts ;

•    Désactiver les fonctions GPS, Wifi, Bluetooth quand vous ne vous en servez pas ;

•    Passer en mode économie d’énergie quand c’est possible.


Optimiser les impressions

Paradoxalement le développement du numérique ne s’est pas accompagné d’une diminution de la consommation de papier. Il est pourtant possible de réduire le nombre d’impressions et de faire des économies 

•    N’imprimer que ce qui est utile et nécessaire ;

•    Penser dès la conception à rédiger un document agréable et facile à lire à l’écran ;

•    Utiliser du papier recyclé / recyclable.

•    Imprimer en noir et blanc, en mode brouillon, en recto-verso et 2 pages par feuille ;

•    Réutiliser comme brouillon les feuilles imprimées sur une seule face ;

•    Eviter d’imprimer les pages avec des aplats de couleur.


Réparer et recycler les équipements

Un ordinateur, comme un smartphone, ça s’entretient. En installant des protections contre les virus et les malwares, en supprimant régulièrement les applications et les données inutiles, on évite les pannes et la saturation de l’espace de stockage. De plus, on trouve facilement sur le web des solutions pour réparer soi-même des pannes simples.
Le développement des implantations sur le territoire de recycleries ou de ressourceries permettent la collecte puis la remise en état d’équipements numériques tout à fait fonctionnels. Ces lieux sont souvent complétés d’ateliers où chacun peut apprendre lui-même à remettre en état imprimantes, téléphones ou micro-ordinateurs. C’est également l’esprit des Repair Cafés où l’on peut venir avec son équipement en panne et le réparer grâce à l’aide d’autres personnes, à l’instar des réseaux d’échanges réciproques de savoirs.


Maîtriser les échanges, le voyage et le stockage des données

Les processus tels que l’envoi de mails, le stockage dans le cloud ou la navigation sur le web semblent immatériels et donc presque inoffensifs. Or, de nombreux équipements sont sollicités pour cela et il est possible de réduire leurs consommations :

•    Réduire le nombre de destinataires de vos mails et les rendre plus légers (optimiser la taille des pièces jointes) ;

•    Supprimer les pièces jointes dans les réponses ;

•    Faire régulièrement le ménage dans ses mails, ses fichiers et dans le cache du navigateur ;

•    Taper directement l’URL du site web plutôt que passer par un moteur de recherche, sinon préciser sa demande avec des mots clés

•    Préférer le stockage local au cloud et faire le tri dans ses fichiers à intervalles réguliers.


Développer les communs numériques


Les communs numériques ont des caractéristiques propres :

  • la ressource est non rivale : son usage par les uns ne limite pas les possibilités d’usage par les autres 
  • la ressource est non-exclusive : le drooit d’usage d'une ressource peut être étendu au-delà de la communauté de départ, sans pour autant y porter atteinte, la transformer, l'amoindrir, l'"user".

Ainsi, les communs numériques gagnent à être partagés, car ce partage augmente directement la valeur de la ressource et permet par ailleurs d’étendre la communauté qui la préservera.


Penser Low Tech

Pour les promoteurs de cette tendance, qui va bien au-delà du numérique, la première chose à faire est de reprendre le contrôle des outils numériques. Comment ?

•    En questionnant nos besoins et nos valeurs pour avoir une utilisation à bon escient

•    En faisant de la technologie un moyen plutôt qu’une fin en soi

•    En réorientant la recherche et l’innovation vers un progrès durable pour l’homme et la planète.

Si l’on observe la convergence entre la démarche low-tech et les technologies open source, on notera que des solutions existent pour disposer par exemple d’hébergement local et associatif. La démarche invite également à se réapproprier les outils, à pouvoir en disposer librement et ainsi les améliorer.

Penser Low Tech c’est surtout aller vers une économie de la fonctionnalité, et donc de la sobriété. Dans cette économie, l’usage remplace la possession. Dans le secteur du numérique on voit se développer depuis plusieurs années des solutions de location où la facturation est étroitement liée à la consommation, à l’usage réel -à dissocier des locations au forfait qui peuvent au contraire inciter à consommer-.

Le système peut être vertueux dans la mesure où le loueur a tout intérêt à fournir un équipement de qualité, ne répondant pas aux principes de l’obsolescence programmée, afin de limiter les coûts de maintenance et de remplacement.

Là où l’économie de la fonctionnalité rencontre l’esprit low-tech, c’est lorsque l’on questionne les besoins : on peut alors redimensionner la technologie et étendre le modèle aux services et à l’immatériel.
L’intérêt grandissant pour la low-tech est tel que plusieurs acteurs se sont regroupés pour imaginer une école où l’on cherche à ne répondre qu’aux besoins réels des entreprises et non à en susciter de nouveaux , la Low-tech Skol. On y vise entre autres choses à minimiser le gaspillage, à développer la frugalité et la résilience des solutions développées.


 Article rédigé le 30 octobre 2020, Jean-Luc Peuvrier – Stratice

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